1. Intérieur, nuit, couloir d’une maison bourgeoise (flashback)
Précédée par un homme, HELEN marche au bras de GREGORY. GREGORY se penche vers elle.
GREGORY (chuchotant)
Tu parais soucieuse, Helen.
HELEN (chuchotant)
Juste un peu anxieuse.
GREGORY (souriant)
Je t’assure qu’il n’y a vraiment pas de quoi.
Tout en continuant à marcher, l’homme se retourne furtivement vers Helen.
HOMME (espiègle)
Votre père a raison, vous ne devriez pas vous inquiéter, excepté peut-être au sujet du dîner. Je dois vous prévenir que l’inventivité de mon chef français n’a aucune limite et sachant qu’il m’interdit l’entrée de mes propres cuisines… enfin le menu devrait être votre seule préoccupation croyez-moi.
HELEN et GREGORY se sourient puis HELEN dévisage l’homme avec bienveillance.
HELEN
Je tenais à vous remercier pour votre invitation Sir Cobbold. J’ai été à la fois surprise et infiniment touchée par votre sollicitation.
COBBOLD (souriant)
Je vous en prie Helen, ne soyez pas si solennelle. Appelez-moi Thomas.
HELEN (souriant)
Comme il vous plaira. (pause) Je sais que l’accès à ce cercle privé est d’ordinaire réservé à l’élite de notre profession aussi ai-je…
COBBOLD (l’interrompant)
Précisément. Il eut été malvenu de ma part de ne pas convier à cette soirée la brillante fille de l’un des plus illustres médecins de Londres.
HELEN (surprise)
Brillante ? Je pense que ce qualificatif est un peu trop prématuré. Je viens à peine d’obtenir le droit d’exercer la médecine.
COBBOLD (souriant)
Un droit qui vous confère la reconnaissance officielle de vos pairs. Voyons Helen, ne soyez pas faussement modeste, vous avez en vous un indéniable potentiel. Votre présence n’a rien d’une lubie je puis vous l’assurer.
HELEN observe son père avec curiosité. Il lui sourit. Helen reporte alors son attention sur COBBOLD qui réajuste avec flegme son nœud de cravate.
COBBOLD
Fort heureusement, vous n’avez pas cette suffisance et cette arrogance qui caractérisent les confrères que vous allez rencontrer ce soir. Je compte naturellement sur vous pour apporter la touche de finesse et d’humilité qui nous fait défaut à tous.
HELEN sourit en rougissant. Elle est sur le point de répondre mais son père la coupe.
GREGORY
Quel thème avez-vous choisi pour illustrer le débat de ce soir cher ami ? Vous n’avez encore fait aucune allusion à ce sujet.
COBBOLD (avec un petit rire)
Quelle impatience ! Je suppose que c’est l’une des principales caractéristiques de la personnalité des Magnus, n’est-ce pas ?
GREGORY et HELEN opinent simultanément de la tête en souriant.
COBBOLD
Fort bien. Lors de ces dix dernières années, vous n’ignorez pas que j’ai été le conservateur du musée d’anatomie de l’université d’Edimbourg. Ce que vous ne savez pas c’est que durant mon administration, j’ai eu la chance de diriger plusieurs travaux qui m’ont permis de faire de surprenantes découvertes.
GREGORY
Le moins que l’on puisse dire c’est que vous savez piquer notre curiosité.
COBBOLD
Faire des mystères me confère un côté fantasque qui a généralement beaucoup de succès auprès de la gent féminine.
HELEN sourit à sa remarque. COBBOLD s’immobilise devant une porte et se tourne vers les Magnus. Il fixe Helen dans les yeux alors qu’elle le regarde avec circonspection.
COBBOLD
Helen, je préfère vous prévenir que ce que vous allez découvrir risque de briser bon nombre de vos certitudes et peut-être même ébranler votre foi.
HELEN
J’ai déjà été témoin de choses pour le moins singulières depuis que j’œuvre aux côtés de mon père et, en tant que femme, vous l’avez dit vous-même, ma curiosité ne peut qu’être sans limite lorsqu’il s’agit de mystères.
COBBOLD lui adresse un large sourire et pose avec force sa main sur la poignée de la porte.
COBBOLD
Votre père m’a vanté vos qualités et je n’ai aucun doute sur votre audace ni sur votre courage, ce sont précisément ces raisons qui m’ont exhortées à souhaiter votre présence. Cela dit, vous êtes loin d’imaginer de ce dont il s’agit. Vous allez, je le crains, être témoin de choses qui sont réellement de nature à heurter votre sensibilité.
HELEN parait captivée. Sans la quitter des yeux, COBBOLD ouvre la porte sur une grande pièce. Il y a plusieurs prisons de verre renfermant des créatures étranges. De nombreux médecins vagabondent de vitrine en vitrine en s’émerveillant. Ils s’immobilisent et se taisent en se tournant vers les nouveaux arrivants. Tout en avançant, HELEN jette un regard à la fois horrifié et fasciné sur la pièce.
2. Intérieur, nuit, bureau de Catherine
CATHERINE est assise à son bureau et travaille sur un dossier. Tout est calme. Soudain, des sons étouffés en provenance de la pièce voisine se font entendre. Intriguée, elle se lève et s’avance vers la porte qu’elle ouvre.
CATHERINE (en français)
Pierre est-ce que c’est toi ? (pause) Pierre ?
N’obtenant pas de réponse, Catherine sort du bureau.
3. Intérieur, nuit, couloir maison de Catherine
CATHERINE avance prudemment.
CATHERINE
Pierre ?
Soudain, une main se plaque sur sa bouche, étouffant son cri de surprise. Pendant qu’elle se débat, elle découvre la manche de son agresseur et reconnaît le tatouage de serpent entrelacé avec un globe terrestre surmonté d’un œil à l’intérieur de son poignet droit.
HOMME #1
Tiens toi donc tranquille si tu veux prendre l’avion vivante !
Au fond du couloir, deux hommes transportent le corps inconscient d’un homme. CATHERINE se débat davantage et parvient à retirer la main qui la bâillonne.
CATHERINE
Pierre ! Non !
Elle se métamorphose en adolescente, un changement de taille qui lui permet de se libérer complètement de l’étreinte de son assaillant. CATHERINE court s’enfermer dans son bureau. L’homme #1 se précipite vers la porte et commence à la ruer de coups. Très vite un autre homme le rejoint.
HOMME #2
Laisses tomber !
HOMME #1 (se dégageant)
Pas question ! Le boss veut qu’on lui amène les deux !
L’homme #1 continue de ruer de coups la porte mais reçoit soudain une décharge qui le projette contre le mur. Il semble groggy et secoue la tête.
HOMME #1
Bordel c’était quoi ça ?!
L’homme #2 s’approche de la porte tandis que l’homme #1 se relève péniblement.
HOMME #2
On dirait que la porte est sous tension… sûrement un dispositif de sécurité.
HOMME #1 (avec colère)
Merde !
HOMME #2
Cette fois, on a plus le temps ! Viens, on dégage !
L’homme #1 semble hésiter puis sort précipitamment de la pièce avec l’homme #2.
4. Intérieur, nuit, bureau de Catherine
CATHERINE a repris sa forme originelle et est recroquevillée derrière son bureau, dos à la fenêtre et tend l’oreille. Des pas précipités s’éloignent, puis le silence. CATHERINE se relève avec un air désemparé.
5. Intérieur, nuit, salle de sports du Sanctuaire
ASHLEY et STEVE se battent. ASHLEY semble avoir le dessus puis soudain, STEVE renverse la jeune femme au sol. Le pansement qui recouvre le cou d’ASHLEY est tâché de sang. Légèrement sonnée, elle se relève péniblement et se remet en position de défense.
ASHLEY (ferme)
Okay, c’était juste un coup d’essai. On la refait !
STEVE (hésitant)
Ash… je pense qu’on devrait ralentir la cadence.
ASHLEY l’affronte du regard avec un air agressif.
ASHLEY (ironique)
Tu penses maintenant ? Rappelle-moi de graver ça dans le marbre.
STEVE
Tu tiens à peine debout. C’est contre mes principes.
ASHLEY se redresse et fixe STEVE avec un sourire malicieux.
ASHLEY
Quoi ? Tu te fiche de moi ? Une goule n’a pas de principe et je n’ai pas besoin d’être maternée. Arrête de parler et attaque-moi !
ASHLEY se met en position de défense en fermant les poings. STEVE prend une position menaçante mais voyant la fébrilité de son adversaire, il se relâche en secouant la tête.
STEVE
Je ne peux pas Ash. Regarde ta blessure ! Tu n’es pas en état de combattre.
ASHLEY fusille STEVE du regard puis s’approche en soupirant d’un sac de sable qu’elle se met à frapper avec hargne malgré son état de faiblesse.
HELEN (voix ferme hors champ)
Je crois que ça suffira pour aujourd’hui Ashley !
STEVE fait volte face. Dos à sa mère, ASHLEY continue de taper vigoureusement sur le sac sans se retourner. HELEN s’avance et fait un signe de tête à STEVE qui sort.
ASHLEY (ironique)
J’espère que tu es là pour une raison précise parce je suis en pleine séance de rééducation et j’ai déjà perdu assez de temps.
HELEN (surprise)
Rééducation ? Tu es sûre que le mot est approprié parce qu’à en juger ton état, ce n’est pas celui qui me vient immédiatement à l’esprit.
ASHLEY soupire avec exaspération sans regarder sa mère qui s’approche avec calme.
HELEN
Lorsque j’ai parlé d’une reprise progressive d’activité, je pensais que nous avions la même vision des choses.
ASHLEY
Ouais eh bien j’ai un scoop pour toi ! Enfiler des perles c’est pas vraiment mon truc et j’en ai ma claque de jouer au poker avec Big Guy à longueur de temps. J’ai besoin de faire des trucs un peu plus fun, des trucs un peu plus en rapport avec les goules tu vois.
HELEN
Oh mais je peux te trouver une occupation en parfaite adéquation avec les anormaux. Dans un de nos entrepôts, une centaine d’entre eux attend une classification.
ASHLEY
Merci mais non merci ! La blouse blanche c’est pas bon pour mon sex-appeal. (pause) Maman, Je vais bien okay et pour être à nouveau opérationnelle, je dois m’entraîner. C’est aussi simple que ça !
HELEN
Au point de faire saigner ta blessure ?! (pause) Fais-moi plaisir veux-tu, choisit un exercice moins traumatisant pour tes points de suture.
ASHLEY s’interrompt et se tourne vers sa mère avec colère. Elles se défient du regard.
ASHLEY (ironique)
Quoi par exemple? Le yoga? Au cas où ça t’aurait échappé, j’ai perdu toutes mes sensations et tous mes réflexes et ce n’est pas en collant des étiquettes sur des goules toute la journée que je vais les retrouver.
HELEN
Ashley… personne ne te reproche ta vulnérabilité. Personne à part toi. Ce n’est que temporaire, accepte-le simplement.
ASHLEY se remet à taper le sac avec hargne. HELEN l’observe en secouant la tête de dépit.
ASHLEY
Je t’en prie, tu sais aussi bien que moi que si je ne retrouve pas très vite tous mes moyens nous allons tous au devant de pas mal de problèmes.
HELEN
Alors tu vas puiser dans tes réserves jusqu’à la rupture ? Ton impatience n’a jamais été sans conséquence Ashley, laisse-toi le temps de récupérer…
ASHLEY (l’interrompant avec agacement)
Le temps ? Mais c’est exactement ce qui nous manque maman ! Sauf si tu penses que Will est suffisamment polyvalent pour endosser ma panoplie.
HELEN (blessée)
Ton cynisme est stupéfiant.
ASHLEY (souriant malicieusement)
C’est ce qui fait mon charme. Personne ne s’en plaint à part toi.
ASHLEY reprend son entrainement avec acharnement sous le regard dépité de sa mère.
ASHLEY
Tu ferais bien de te préparer à l’idée parce que j’ai bien l’intention de repartir en chasse dès ce soir.
HELEN (secouant la tête)
Oh non ça j’en doute fort.
ASHLEY
Si tu comptes m’en empêcher je te suggère de m’amputer des deux jambes sur le champ parce que rien ne me fera changer d’avis. Écoute, Ernie a débusqué la goule qui m’a échappé le mois dernier et Henry m’a demandé de tester un nouveau prototype sur elle. Pas question que je la laisse encore me filer entre les pattes alors s’il te plait, changeons de sujet.
HELEN
Je n’ai pas terminé. Tu as récupéré des forces, c’est vrai, mais les contrecoups des derniers évènements sont loin d’être anodins et je ne parle pas seulement d’un point de vue physique.
ASHLEY s’interrompt et se tourne vers HELEN avec surprise. Elles se fixent avec gravité.
ASHLEY (ironique)
J’y crois pas ! Tu t’inquiètes pour ma santé mentale ? (pause) Si tu as peur que je pète les plombs et que j’éventre tout le monde, rassure-toi, je maîtrise encore mes pulsions. Trouve-toi un autre sujet d’étude !
HELEN (bouleversée)
Sujet d’étude ?! (pause) Pour l’amour du ciel Ashley ! J’ai débranché moi-même les appareils qui te maintenaient en vie ! (pause) Tu n’as pas la moindre idée de ce que j’ai…
HELEN s’interrompt. ASHLEY semble surprise de la réaction de sa mère. HELEN fixe sa fille avec émotion.
HELEN (douloureusement)
Personne n’est sorti indemne de cette expérience… personne.
HELEN semble très affectée. ASHLEY la fixe avec un air gêné.
ASHLEY
En ce moment, il y a des trucs bien plus importants que nos états d’âme maman. Protéger cet endroit par exemple, et ça, c’est mon job. Arrête de poser des questions existentielles, aucun de nous ne peut se payer ce luxe et surtout pas toi.
ASHLEY et sa mère s’observent avec force. Une sonnerie de portable retentit faisant sursauter HELEN. ASHLEY prend un air malicieux.
ASHLEY
Sauvée par le gong !
HELEN sort fébrilement son téléphone de sa poche sans quitter ASHLEY des yeux.
HELEN
Docteur Magnus. (pause) Catherine ? Qu’y a-t-il ?
Le visage d’HELEN s’assombrit. ASHLEY se rapproche soudain de sa mère avec inquiétude.
6. Intérieur, nuit, bureau de Will
WILL est en train de classer des papiers. BIGFOOT arrive et frappe un coup puis entre avec un document à la main qu’il tend à WILL.
BIGFOOT
Cette enveloppe vient d’arriver pour vous.
WILL
Merci.
BIGFOOT se tourne et se dirige vers la porte. WILL l’observe, il semble hésiter.
WILL
« La colère nous rend aveugle et fou car avec elle la raison s’envole ».
BIGFOOT s’immobilise sur le seuil de la porte et se tourne vers WILL qui le regarde avec gravité.
WILL
C’est une citation du dramaturge italien Pietro Aretino. (pause) En réaction à un sentiment d’impuissance et d’incompréhension, la colère est la plus naturelle et plus puissante manifestation de révolte qui soit. Un état émotionnel destructeur et instable qui nous pousse inexorablement à agir de façon déraisonnée, incontrôlée et forcément disproportionnée.
BIGFOOT reste immobile sans mot dire. WILL s’aperçoit de sa confusion.
WILL
Une fois, vous m’avez dit que si vous faisiez peur aux autres c’est parce que vous étiez en colère.
BIGFOOT
C’est vrai.
WILL
Pourquoi ? Quel évènement tragique vous a poussé à agir ainsi ?
BIGFOOT reste silencieux mais continue de fixer WILL avec impassibilité.
WILL
Selon moi, la conscience est le premier pas sur le chemin qui conduit vers la rédemption. Peut-être que…
BIGFOOT (l’interrompant)
J’ai perdu ma compagne.
WILL reste interloqué. Il fixe BIGFOOT avec force.
BIGFOOT
Elle a été massacrée lors d’une chasse. (pause) Elle portait notre enfant.
WILL
Je suis sincèrement désolé.
BIGFOOT (avec empressement)
Pourquoi ?
WILL
Eh bien je…
BIGFOOT (l’interrompant)
C’est arrivé il y a déjà bien longtemps. J’en ai fini avec ça et je n’ai pas besoin de pitié.
WILL
Ce n’en était pas. Tout au plus de la compassion, je vous assure.
BIGFOOT
Lorsque j’ai rencontré le docteur, tout a changé. C’est ce qui importe.
WILL
Elle ne vous a pas seulement sauvé la vie, elle vous a permis d’être enfin en paix avec vous-même.
BIGFOOT
Le passé appartient au passé. Désormais, je ne suis plus en colère.
HELEN arrive à ce moment là dans la pièce. Elle semble inquiète ce qui alarme WILL.
HELEN (à BIGFOOT)
L’avion de Catherine atterrit dans moins de deux heures. Prenez toutes les dispositions nécessaires.
BIGFOOT
Bien Docteur.
BIGFOOT sort. HELEN semble préoccupée WILL la fixe avec curiosité.
WILL
Qui est Catherine ?
HELEN
Une amie qui sollicite mon aide pour une affaire délicate.
WILL
Délicate à quel point ?
HELEN
Veuillez m’excuser.
Sans regarder WILL, HELEN tourne les talons. WILL lui emboîte rapidement le pas.
7. Intérieur, nuit, couloir
WILL essaye de suivre Helen qui marche d’un pas vif sans lui prêter attention.
HELEN
De vieux démons viennent de refaire surface et je ne dispose que de peu de temps pour leur faire face.
WILL
Attendez ! Qui sont ces « vieux démons » ? Et où est passé le « nous » ? Magnus ?!
HELEN reste silencieuse. WILL la rattrape et l’immobilise en lui saisissant le bras. Il la force à lui faire face. Le visage d’HELEN est bouleversé. Surpris, WILL relâche son bras.
WILL
Dites moi ce qui se passe.
HELEN (déterminée)
Je regrette, c’est impossible.
WILL (interloqué)
Impossible ? Je croyais que vous aviez banni ce mot de votre vocabulaire.
HELEN
Cette fois, c’est différent.
WILL
Oui eh bien laissez-moi au moins la possibilité d’en juger. Après toutes les choses que j’ai vécues ces derniers mois je crois que vous me devez bien ça.
HELEN
Vous ne comprenez pas, si je vous implique davantage, cela pourrait réellement compromettre votre sécurité et je ne veux pas courir ce risque.
WILL
C’est très gentil de votre part de me ménager mais je crois que nous avons dépassé ce stade la nuit où vous m’avez donné votre carte professionnelle.
HELEN
Je suis désolée. Je mesure votre frustration mais je…
WILL (agacé)
Frustration ? Le mot est faible ! (pause) Je vous rappelle que c’est vous qui êtes venue me chercher !
HELEN
Et je vous rappelle que vous étiez parfaitement libre de décliner mon offre.
WILL
C’est injuste Magnus ! J’ai tout plaqué pour vous suivre malgré mes réticences et mes doutes. Depuis que je vous connais j’ai échappé si souvent à la mort que je commence sérieusement à croire en Dieu. J’ai été leurré, drogué, brutalisé physiquement et mentalement alors je pense avoir fait suffisamment mes preuves pour obtenir officiellement ma carte de membre ! Vous ne pouvez pas agir avec moi comme si j’étais un simple objet dont vous ne voulez vous servir que si la situation l’exige ! Je ne suis pas votre pion, je suis un membre de votre équipe ! Du moins je le pensais.
HELEN
Avez-vous terminé ?
WILL
Qu’est ce qui a changé entre nous Magnus ?
HELEN (surprise)
Changé ? Vous vous trompez. Rien n’a changé Docteur Zimmerman. Si vous êtes ici, c’est que la confiance que j’ai placée en vous ne souffre d’aucune contestation.
WILL
Alors c’est que vous doutez de mes compétences, finalement où est la différence ?
WILL fixe HELEN quelques instants. Ils s’observent avec hésitation puis WILL tourne les talons avec exaspération et commence à s’éloigner. HELEN l’observe.
HELEN
Vous êtes très persuasif. D’où vous vient cette obstination ?
WILL s’immobilise et se tourne vers HELEN.
WILL
De ma mère et je vous rappelle que je suis psy, l’obstination fait partie de la panoplie. D’ailleurs je pensais qu’avec Ashley vous étiez habituée.
HELEN (souriant)
Avec Ashley oui.
WILL rend furtivement son sourire à HELEN puis la fixe avec détermination.
WILL
Ne faîtes pas cela Magnus. Ne m’évincez pas. Vous avez besoin de moi, c’est pour cela que vous êtes venue me chercher.
HELEN reprend son air grave et observe WILL avec force puis prend une grande inspiration.
HELEN
Autant vous prévenir tout de suite, une fois que vous aurez tout appris de ce dont il s’agit, vous ne pourrez plus reculer même si vous n’aimez pas ce que vous verrez ou entendrez.
WILL
Je sonde les ténébreux abîmes de la psychologie humaine depuis déjà quelques années, vous n’imaginez pas à quel point je suis devenu large d’esprit.
HELEN (souriant)
Très bien, alors voyons ça.
Helen et Will marchent côte à côte d’un pas décidé mais sans se regarder.
8. Extérieur, nuit, sommet d’une colline
Une moto arrive et se gare à côté d’une camionnette. ASHLEY descend de la moto et retire son casque. Elle s’approche du van, fait le tour, regarde à l’intérieur puis observe alentour. Personne. Le silence.
ASHLEY
Ern ? (pause) Tu tiens vraiment à tester ma patience Ernie ?
Du bruit provenant des fourrés se fait entendre. Instinctivement, ASHLEY sort une arme sophistiquée qu’elle active difficilement. Elle scrute l’obscurité en avançant avec précaution.
ASHLEY (agacée)
Si c’est encore une de tes mauvaises blagues, je te promets que tu vas le sentir passer à la puissance max.
Quelqu’un s’approche rapidement d’elle par derrière et l’attaque. Désarmée, elle se débat contre une créature ressemblant à une harpie. ASHLEY prend le dessus mais très vite la harpie lui assène des coups de griffes et lui agrippe la gorge en poussant des cris stridents. Plaquée au sol, ASHLEY suffoque dangereusement mais la créature s’interrompt sans raison et fait soudain volte face. Elle s’éloigne d’ASHLEY et s’approche d’une silhouette qui s’avance dans la lumière. JOHN fixe la créature avec un air inquiétant. ASHLEY observe la scène avec confusion et tente de se relever mais sa vision se brouille. Trop affaiblie, elle sombre dans l’inconscience.
9. Intérieur, nuit, bibliothèque du Sanctuaire
HELEN et WILL sont assis face à face. WILL parcours des documents, il semble à la fois captivé et horrifié.
WILL
C’est surréaliste ! Tous ces comptes-rendus de captures d’anormaux sont si détaillés, je n’imaginais pas qu’il existait autant d’espèces sans parler de leurs différentes classifications. Comment s’appelle cette organisation déjà ?
HELEN
Le Consortium.
WILL
Oui, le Consortium c’est ça. Pour détecter ce qui est invisible à l’œil du néophyte, il semble disposer de moyens et de techniques très efficaces.
HELEN
Les meilleurs de tous en réalité. Le fondateur a toujours su s’entourer d’élites et d’érudits dans tous les domaines. Sans compter les capitaux qu’il détient et dont vous n’imaginez pas le montant.
WILL
Le nerf de la guerre. Étant donné que la mise en commun d’informations permet d’arriver plus vite au résultat, je suppose qu’en utilisant les ressources du Consortium, vous ne pouviez qu’atteindre plus efficacement vos objectifs.
HELEN
Je ne peux pas vous contredire sur ce point.
WILL
Alors si c’était si avantageux d’être membre de cette organisation, pourquoi en êtes-vous partie ?
HELEN
Parce que nos desseins respectifs n’ont absolument rien de commun.
WILL
Mais vous avez bien dit avoir contribué activement aux travaux du Consortium.
HELEN (l’interrompant)
C’est malheureusement exact.
WILL
J’ai du mal à comprendre parce sa charte ressemble à s’y méprendre à la mission du sanctuaire : « Étudier et comprendre les anormaux, les aider à exploiter leur potentiel pour survivre ». Expliquez-moi ce qui m’échappe.
HELEN
Depuis que vous travaillez ici vous savez que les apparences sont trompeuses. Lisez entre les lignes et tout vous paraitra plus limpide.
WILL est perplexe et la fixe en fronçant les sourcils. HELEN prend une grande inspiration.
HELEN
Je n’ai pas toujours été la personne que vous connaissez. Il fut un temps où j’étais aveuglée par l’ambition, où mon jugement était obscurci par de sombres intentions et mes actions corrompues par des décisions équivoques. Pour assouvir une insatiable soif de connaissances, j’ai un jour méprisé tout ce en quoi j’avais foi jusqu’à en perdre tout sens commun.
WILL
Nous faisons tous des erreurs. Nous devons juste apprendre à vivre avec.
HELEN
Si seulement vous saviez à quel point mon manque de discernement a été préjudiciable.
WILL et HELEN s’observent avec un air grave. HELEN semble soucieuse.
HELEN
Le Consortium n’a rien d’une organisation philanthropique, c’est une abomination. Il ne se contente pas d’étudier les anormaux, il exploite leurs incroyables potentiels et vend les résultats des recherches au plus offrant. Vous n’avez pas idée du nombre de manipulations génétiques qui sont issues des travaux de cette organisation.
WILL
Je vois, cette entité est une sorte de super mercenaire de la biogénétique dirigé par des apprentis sorciers. Je ne voudrais pas minimiser la chose mais elle est bien loin d’être la première.
HELEN
Vous êtes loin d’imaginer ce dont il s’agit. Les ramifications de cette organisation séculaire sont tentaculaires et son influence ne cesse de s’accroitre au fil des siècles. Ses membres se sont eux-mêmes baptisés les Prophétiques car ils croient en une prédiction selon laquelle, seuls les êtres dotés de capacités surhumaines survivront à une apocalypse programmée.
WILL
« …les aider à exploiter leur potentiel pour survivre », je crois que j’ai saisis ce que vous vouliez dire par « lire entre les lignes ». Ils traquent les anormaux pour assurer leur propre survie.
HELEN
Oui et conformément à cette prophétie, ils anticipent chaque évènement en contrôlant les secteurs clé de notre société : la politique, la défense, les télécommunications, la recherche médicale… la liste est sans fin.
WILL
Ils sont donc une menace pour vous, pour le Sanctuaire.
HELEN
J’ai malheureusement appris à mes dépends que pour pouvoir lutter contre le Consortium, il faut être prêt à tous les sacrifices. Ce n’est pas une simple guerre que je mène depuis des décennies Will, c’est une véritable croisade et elle a malheureusement déjà fait beaucoup trop de dégâts dans mes rangs.
WILL et HELEN s’observent avec inquiétude.
10. Extérieur, nuit, sommet d’une colline
ASHLEY ouvre progressivement les yeux en se tenant la tête. STEVE est penché au-dessus d’elle et l’observe avec curiosité. ASHLEY sursaute, se saisit de son arme et la pointe sur lui.
ASHLEY
Bordel Steve ! Fais pas ça ! T’es pas exactement le genre de vision qu’on aimerait avoir au réveil.
STEVE
Désolé ! Rien de cassé ?
ASHLEY
Ma gorge est en miette, mis à part ça, tout baigne.
STEVE aide ASHLEY à se remettre péniblement debout. Elle constate très vite que la blessure de son cou saigne à nouveau.
ASHLEY
Merde, j’ai ruiné mon nouveau pansement. Qu’est ce que tu fiches ici ?
STEVE
Ta mère flippait qu’il t’arrive un truc. Elle doit sûrement avoir un sixième sens.
ASHLEY
Ouais ouais, on lui filera une médaille. Tu sais où est Ernie ?
STEVE
Ernie ?
ASHLEY regarde tout autour d’elle et constate que le van n’est plus là.
STEVE
Il n’y a que nous ici Ash… Qu’est ce qui s’est passé ?
ASHLEY
Disons que le chasseur s’est changé en proie. Cette satanée goule m’est tombée dessus comme la poisse sur Henry et… et…
STEVE
Et ?
AHSLEY
Je me souviens qu’il y avait quelqu’un d’autre. (pause) Un grand type (pause) Druitt ! Merde ! (pause) Il était là Steve ! Et je l’ai raté !
STEVE
Ça ne va sûrement pas te plaire mais je crois qu’il a sauvé tes fesses.
ASHLEY
Quoi ? C’est une blague ? Si mes viscères sont intacts c’est uniquement parce qu’il a fuit comme un lâche quand la goule l’a attaqué.
STEVE
Moi je dirais plutôt qu’il l’a neutralisée, ta fameuse goule.
ASHLEY fixe STEVE avec surprise. D’un signe de tête, il lui désigne le corps de la créature qui gît dans une mare de sang à quelques mètres. ASHLEY s’approche et constate qu’elle a été égorgée. Il y a un objet à côté d’elle. ASHLEY le ramasse et relève la tête vers STEVE.
ASHLEY (surprise)
Une clé USB.
Une sirène de police retentit non loin. ASHLEY et STEVE sont sur le qui-vive.
ASHLEY
Inutile de traîner ici. Je m’occupe du corps. Toi, rentres au sanctuaire.
STEVE
Tu es sûre ? Parce qu’avec Druitt dans les parages c’est…
ASHLEY (l’interrompant)
Fais ce que je te dis ! (pause) Allez !
ASHLEY lui fait signe de s’éloigner avec un sourire en coin. STEVE se dirige vers le bord de la falaise et disparaît en sautant. Horrifiée, ASHLEY se précipite pour constater que STEVE descend avec agilité la pente abrupte balayée par le vent. Elle se tourne ensuite vers la goule puis regarde la clé avec un air soucieux.
11. Intérieur, nuit, laboratoire inconnu
Un jeune homme entre dans une immense pièce faiblement éclairée. Il observe les lieux un instant en prenant une grande inspiration puis s’avance en direction d’un grand caisson qui trône au centre. Un homme y est étendu, le visage recouvert d’un linge. Il fait très sombre seul l’éclairage du caisson permet de distinguer plusieurs scientifiques présents qui surveillent de grosses machines. Le jeune homme s’adresse à l’un d’entre eux.
JEUNE HOMME
Est-ce qu’il est conscient ?
HOMME
Oui Eric. Je le suis. (pause) Tu es venu me faire part de ton échec ?
ERIC
Échec ? Le mot est un peu fort non ? Il y a eu un imprévu c’est vrai mais mes hommes ont quand même capturé le…
HOMME (l’interrompant avec colère)
Tes hommes et toi, vous n’êtes que des incapables ! Je crois me souvenir que tu m’avais assuré que cette opération ne présenterait aucune difficulté.
ERIC
C’est vrai mais….
HOMME (l’interrompant)
Je n’ai pas terminé ! As-tu une idée de l’embarras dans lequel je suis ? Cet imprévu n’est pas seulement regrettable, il ternit ma réputation et me discrédite auprès de nos actionnaires. C’est une situation inexcusable !
ERIC
J’en suis conscient mais je sais comment me racheter. La cible se trouve actuellement à bord d’un avion qui vient tout juste d’atterrir.
HOMME
Voilà qui est intéressant. Catherine Maudran est venue elle-même se jeter dans la gueule du loup. Étrangement, cela ne me surprend pas.
ERIC
J’ai deux équipes sur le coup et chacune d’elles est équipée d’un inhibiteur moléculaire. Elle ne peut pas nous échapper. Sa capture ne posera aucun…
HOMME (l’interrompant en ricanant)
Capture ? Mais il n’est absolument pas question de la capturer, Eric.
ERIC (confus)
Quoi ?!
L’homme fait un signe de la main à l’attention des scientifiques qui s’affèrent soudain autour des machines. ERIC semble très impressionné.
HOMME (souriant)
Essaye d’être un peu plus pragmatique. À l’évidence, elle se rend chez le Docteur Magnus alors laissons-la nous ouvrir tout doucement les portes du Sanctuaire.
ERIC
Oui et comment compter vous vous y prendre pour entrer ? J’imagine que vous n’allez pas simplement vous contenter de sonner à la porte.
HOMME (ricanant)
J’ai ma petite idée sur la question.
ERIC
Foss n’est pas du genre à lésiner sur les moyens préventifs, vous allez avoir du mal à contourner son système de sécurité sans vous faire repérer.
HOMME
Ne sois pas si défaitiste, c’est agaçant et je n’ai pas dit que j’avais l’intention d’entrer. Non, quelqu’un va le faire pour moi mais pour cela, j’ai besoin que tu suives mes instructions à la lettre en évitant les contretemps fâcheux.
ERIC
Okay. Après tout c’est vous le patron.
ERIC tourne les talons et s’apprête à sortir.
HOMME
Je n’aime pas les erreurs qui se répètent Eric, alors surtout ne me déçois pas.
ERIC s’immobilise au niveau de la porte. Il regarde furtivement le caisson en faisant craquer sa nuque puis sort.
12. Intérieur, nuit, couloir
ERIC semble contrarié. Il prend son téléphone portable et compose un numéro.
ERIC
C’est moi. Il y a un léger changement de programme.
ERIC fait un signe de tête à deux hommes qui lui emboitent le pas sans mot dire.
13. Intérieur, nuit, laboratoire inconnu
L’homme se relève prend une profonde inspiration puis enlève le linge qui lui recouvrait le visage. C’est le Professeur Thomas Cobbold. Il n’a pas changé.
COBBOLD
J’ai l’impression que le passé vient de nous rattraper Helen.